Ce sont les mêmes principes qui vont présider à la reconstruction de nombreuses églises durant ce même siècle. Dans bien des cas en effet, les dégradations de l’édifice ancien étaient tellement graves qu’on estimait toute restauration impossible, ou du moins inopportune, quand il s’agissait de bâtisses trop archaïques, trop pauvres, ou simplement trop petites pour les besoins de la paroisse. En fait, toutes ces raisons n’étaient souvent que des prétextes pour des responsables paroissiaux qui souhaitaient avant tout disposer d’une église au goût du jour.
Le mouvement qui a malheureusement fait disparaître nombre de témoins vénérables d’un art insuffisamment connu s’était amorcé dès la première moitié du siècle, mais il s’est accéléré sous le Second Empire : 28 constructions nouvelles et nombre d’agrandissements et de restaurations réalisés au cours de cette période allaient donner, tout autant que les édifices d’origine médiévale, cette teinture qui est aujourd’hui celle de nos villes et de nos campagnes.
Tout cela s’est fait dans un contexte économico-social très particulier, qui explique la durée de la plupart des travaux. Ce contexte était caractérisé par l’insuffisance des moyens de financement, et par la mise en place de systèmes de surveillance s’exerçant sur les divers échelons de décision, communal, départemental et national : le Conseil des bâtiments civils, le Comité des Inspecteurs diocésains vont ainsi exercer un contrôle étroit, entraînant souvent des modifications dans le parti ou même dans le programme.
Sur ce point, l’exemple de Peyrehorade, et celui de Tartas sont tout à fait intéressants, car ces édifices ont joué un rôle capital dans la problématique du choix du style : on pouvait en effet se demander si l’on devait continuer, comme au siècle précédent, à construire des édifices dans le goût gréco-romain, ou au contraire dans le nouveau goût qui s’annonçait comme devant être le goût dominant à cette époque, le néogothique.
Cette question sera relayée par un personnage qui a joué un rôle très important dans la propagation du nouveau style, Didron, directeur des Annales archéologiques, qui intervint auprès de l’abbé Barbet, curé de Peyrehorade, en faveur du plan de style ogival, contre Jean-Marie de Silguy, ingénieur des Ponts et Chaussées, et un premier projet d’église dans le goût gréco-romain. Pendant plusieurs années, de nouvelles propositions de plans, sans cesse revues et corrigées, se succèdent, jusqu’à la décision de faire appel à Hippolyte Durand, architecte diocésain de Bayonne, Tarbes et Auch. Avec l’aide d’Hippolyte Guicheney, architecte de Bayonne, Durand élabore plusieurs projets de 1846 à 1851 ; les travaux ne commenceront finalement que vers 1854.
L’église Saint-Jacques de Tartas a été élevée au même moment. Cet édifice, qui a été récemment classé Monument historique, est un exemple parfaitement réussi de cet art total du xixe siècle, et donc d’un véritable élément de référence dans ce département.
La construction avait été préparée par plusieurs projets successifs. L’intervention d’Hippolyte Durand se situe entre 1843 et 1846. La construction commencera seulement en 1849. Le passage du gréco-romain au néogothique entraînera un surcoût important, qui provoquera un arrêt des travaux par manque de moyens. L’œuvre s’achèvera en 1867, par la construction d’un perron monumental devant la façade occidentale.
Ces travaux seront prolongés par la réalisation d’un grand décor peint, dû en particulier au peintre montois Louis-Anselme Longa, par la mise en place de vitraux et par une importante commande de mobilier.
Si les monuments construits par Durand ont été déterminants pour l’introduction du nouveau style dans le département, où ils ont souvent été imités avec plus ou moins de bonheur, on doit à d’autres architectes des édifices assez différents et parfois bien plus originaux : c’est le cas en particulier des églises de Buglose, Maylis et surtout Pontonx.
La diversité de tous ces édifices montre bien que le nouveau style ne saurait être considéré comme un simple pastiche du style gothique, mais qu’il constitue une création typique du xixe siècle : on y reconnaît le dessein d’un architecte, qui, à partir d’une méditation sur le style gothique, l’a repensé, corrigé, adapté à l’esprit du lieu, en lui donnant tous les éléments de la modernité, pour aboutir à une architecture vraiment caractéristique.
Le triomphe de ce
style a été si total qu’il a pu utiliser sans en être sensiblement modifié de
nouvelles techniques qui se prêtaient dans d’autres domaines à des recherches
toutes différentes. En 1895, c’est encore dans ce style que la compagnie des
Forges et Aciéries de la Marine et du Chemin de Fer fait construire une église
sur son site de Tarnos en la couvrant d’une charpente métallique
qui en constitue en quelque sorte l’épine dorsale. Plus original mais également
fidèle à ce style fut le parti adopté en 1867-1868 dans l’église de Gaube
par Alexandre Ozanne, architecte départemental : l’ancien vaisseau unique du
xive siècle a alors été
partagé en trois nefs par le moyen de colonnes de fonte à base et chapiteau de
pierre, supportant des voûtes d’ogives en brique.
Dans les églises rénovées ou nouvellement construites, d’importants programmes peints ont été mis en œuvre par des artistes locaux – Longa surtout -, mais aussi par des ateliers venant de l’extérieur du
département – de
Bordeaux, et même d’Italie, comme à Laballe (Cne de Parleboscq) et à
Labastide-d’Armagnac. Ces programmes étant de nature essentiellement
décorative, les thèmes iconographiques y demeuraient relativement rares –
Tartas constituant une exception prestigieuse. Ils s’étaient en effet
concentrés sur d’autres types d’œuvres, des tableaux et surtout des vitraux.
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Uchacq. Voûte du choeur par Longa
d’architectes comme Ozanne, mais avec la participation active de fidèles soucieux de laisser leur souvenir sur des œuvres prestigieuses. Ainsi, le vitrail, qui n’est pas, comme d’autres éléments de mobilier, un objet de culte ou directement ordonné au culte, est redevenu alors, comme au Moyen Âge, un moyen d’enseignement.
Saint-Vincent-de-Paul. Charité de saint Vincent |
Dax. Centre Jean-Paul II. Choeur de la chapelle. La Flagellation |
Dax. Centre Jean-Paul II. Nef de la chapelle. La Tonsure |
Ces œuvres étaient produites par des ateliers parfois très puissants, parmi lesquels il faut citer pour la région ceux de l’abbé Joseph Goussard et de son frère Bernard à Condom (actifs entre 1853 et 1873), de Joseph Villiet (entre 1852 et 1877) et de Gustave-Pierre Dagrand (1839-1915), actif à Bordeaux à partir de 1864, des Mauméjean à Paris, Madrid, Saint-Sébastien et Pau, de L.-V. Gesta (1828-1894) à Toulouse.
Les thèmes traités sont très divers : grandes figures du Christ (Bon Pasteur, Sacré-Cœur, Sauveur du monde), de la Vierge (Immaculée Conception, etc.), des saints (Joseph, Pierre et Paul), et en particulier du saint patron. Mais on voit aussi des scènes historiées parfois très complexes, comme l’évocation de la découverte de la statue et du culte de la Vierge à Buglose, ou des épisodes de la vie de saint Vincent de Paul dans la chapelle du Berceau, et dans l’église paroissiale de Saint-Vincent-de-Paul.