500 ans de protestantisme

La Réforme à Orthez

 

1 Observation d’ordre général ou de la contestation à la protestation

L’histoire de la chrétienté est traversée, depuis son origine, par des crises, des schismes, des luttes contre les hérésies, des excommunications. Des conciles ont régulièrement débattu pour infléchir les lignes et adapter les doctrines.

L’université, au Moyen-âge est le lieu de « disputations » religieuses sans fin sur des appréciations futiles ou fondamentales.

Pourquoi en 1517, un moine augustin Luther passe-t-il de la contestation à la protestation ? Il placarde ses 95 thèses relatives aux indulgences sur la porte de l’église du château de Wittenberg. Cette crise religieuse qui aurait pu être un formidable moteur d’évolution va déboucher sur des conflits sanglants, des guerres et des atrocités.

Quel est ce changement, cette volonté de réforme qui est exprimée au début du XVI° par des croyants sincères et tourmentés ?                                                           ~

 

- des contestations de forme, liées aux abus, aux trafics inadmissibles (indulgences), au train de vie peu vertueux de prélats, aux scandales provoqués par ceux qui devraient donner 1’exemple

- des contestations de fond presque essentiellement dirigées au début contre le texte religieux de référence, La Vulgate.

 

Qu'est-ce que la Vulgate ?

 

C'est la traduction biblique traditionnelle, la version latine de la Bible, traduite par Jérôme de Stridon, Saint Jérôme, à la fin du IV°/début du V° siècle. Cet érudit vertueux a traduit l'Ancien Testament de l'hébreu et le Nouveau Testament du grec.
C'est un travail précis et méritoire qui pourtant, dès le début, a rencontré des contestations, certains désapprouvant notamment le recours exagéré aux traditions rabbiniques.

Ce texte de référence est le premier texte imprimé par Gutenberg à la fin du XV° siècle. Des humanistes éclairés comme Erasme ou Lefèvre d'Etaples et bien d'autres érudits, réclament une évolution de ce texte de référence :

 

-     alors que le concile de Trente va confirmer la version latine, ils exigent des traductions directes en langues vernaculaires des textes originaux

 

-          mais ils prônent aussi des révisions de certaines appréciations jugées discutables.

                         .                                                                                                        ,

La Vulgate sera bien révisée en 1592 après de nombreuses discussions mais dans des formes qui ne satisfont pas les contestataires devenus protestataires. On notera que cette Vulgate sixto-clémentine fera autorité jusqu'à Vatican II. Pie XII plus récemment avait marqué une nette évolution en considérant et en qualifiant comme simplement juridique la suprématie du texte latin. On relèvera qu'en 1979, Jean-Paul II a promulgué une néo-vulgate destinée à poursuivre débats et réflexions entre tous les chrétiens.

 

2 « La Marguerite des Marguerites »

 

C'est le qualificatif donné à la soeur très aimée de François 1°, Marguerite de France ou d'Angoulême (1492-1549), une femme de très grande culture et d'esprit supérieur.

Marguerite avait épousé à 17 ans en 1509 Charles d'Alençon, un prince plutôt borné, d'esprit militaire et quasi illettré. Sa mort en 1525 la libère.

Elle se remarie en 1527 avec Henri il d'Albret (1503-1555), un grand seigneur qui lui donne la couronne de Navarre et lui laisse une grande liberté de création et de communication. Marguerite devient une femme de lettres, auteur de l'Heptaméron
après 1545, mais bien avant cet ouvrage emblématique, elle produit bien d'autres oeuvres. Les écrivains de son temps 1’adorent, lui dédicacent leurs oeuvres.

Elle est passionnée par les idées nouvelles. Sans franchir le pas d'une conversion au protestantisme, elle s'exprime avec tolérance, protège de l'intransigeance de la Sorbonne ceux qui souhaitent réfléchir et débattre, comme Lefèvre d'Etaples,
Guillaume Briçonnet, son directeur de conscience dès 1521, évêque de Meaux, Gérard Roussel, son aumônier, évêque d'Oloron.

Elle accepte que François 1° (1494-1547), le roi de France, son frère, l'éloigne de la capitale après l'affaire des Placards en 1534, la situation devenant très tendue à la Cour. Elle gagne ses terres du midi, Nérac, le château de Pau ou celui d'Odos.

En Béarn, reine indépendante, elle favorise des discussions et des comportements apaisés. Elle est à l'origine du projet de création d'un Collège Royal à Lescar qui préfigure celui d'Orthez. Jeanne en fait une académie en 1566.

Mais sous Henri II (1519-1559), la situation se tend et se détériore de plus en plus dans toute la France du Nord. Les clans religieux s'organisent. Des princes du sang et des membres de la haute noblesse franchissent le pas de la conversion et contestent le pouvoir royal. Au moment où s'organise le colloque de Poissy, on évalue à un demi-million le nombre de protestants en France.

 

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Marguerite de Navarre

Jeanne d'Albret

Catherine de Médicis

Marguerite de Valois

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Reine de coeur

Reine de pique

Reine de carreau

Reine de trèfle

 

 

 

 

3 « La Mignonne des Rois »

 

Marguerite, tout en cultivant l’apaisement et la discussion, reste prudente et évite tout engagement exagéré. C’est dans cet esprit qu’elle élève et éduque sa fille Jeanne d’Albret, la fille qu’elle a eue avec Henri II d’Albret, roi de Navarre en 1528.

Jeanne est une très jolie jeune fille, favorite de son père Henri et de son oncle François 1° qui la désigne comme la « Mignonne des Rois ». Henri aurait voulu marier Jeanne au fils de Charles-Quint mais François 1° qui crait l’étouffement des états de cet encombrant voisin qui prend la France en tenaille, refuse ce projet et place Jeanne en résidence à Plessis-Lès-Tours, près de Blois, sous son contrôle.

Jeanne est donc élevée à la Cour de France dans l’obéissance jusqu’à ce que le roi cherche à lui imposer de force un époux, Guillaume, duc de Clèves. Il a 24 ans, elle en a 12. Jeanne refuse cette union et tient tête au souverain. Elle est poussée de force à l’autel le 9 août 1541, refuse tout lien avec son nouvel époux et obtient en 1545 du pape, l’annulation d’un mariage irrespectueux et non consommé.

Elle épouse en 1549 Antoine de Bourbon, premier prince du sang.  Indiscutablement elle aimera cet homme, brillant militaire et brillant homme de cour, lui donnant cinq enfants dont deux seulement vivront : Henri, né en 1553 et Catherine, née en 1559. À la naissance d'Henri, c’est une explosion de joie à la cour de Navarre, Henri d'Albret est fou de bonheur. Comme sa mère Marguerite, dont elle est très proche, à Nérac comme à Pau, Jeanne marque son intérêt pour les idées religieuses nouvelles mais sans franchir le pas, elle non plus jusqu'en 1560.

Jeanne n'intervient pas dans la formation de son fils. C'est Henri II qui met en place pour son petit-fils un programme d'éducation très particulier, très rustique, pas particulièrement religieux, "à la béarnaise'. TI confie à sa belle-soeur, Suzanne de Bourbon-Busset, l'exécution de ce programme, au château de Coarraze. Le séjour à Coarraze s'effectue de 1554 à 1561 avec une interruption en 1557, Jeanne et Antoine conduisant le petit prince auprès du roi de France Henri II et de la reine Catherine de Médicis, à Amiens où la Cour est réunie.

En 1561, Antoine confie le préceptorat du petit prince Henri à des formateurs catholiques. Il est admis au collège de Navarre à Paris pour y recevoir un enseignement d'élite avec les autres petits princes, Henri d'Anjou et Henri de Guise.
Après la mort d'Antoine de Bourbon en novembre 1562, Jeanne exige d'avoir la main sur l'éducation de son fils toujours inscrit au collège de Navarre à Paris.

 

Après la mort de la reine en·1572

 

Henri devient roi de Navarre sous le nom d'Henri III de Navarre. Il transforme à Orthez en 1583 l'Académie Royale en Université humaniste sur le modèle de celle de Genève. Les guerres de religion font rage. Devenu roi de France Henri impose la paix  religieuse grâce à l'Édit de Nantes en France et à l'Édit de Fontainebleau en Béarn.

En 1621, Louis XIII annexe la vicomté au royaume de France, il redonne à l'église romaine ses prérogatives anciennes. À Orthez, il fait rendre au culte catholique le sanctuaire Saint-Pierre. Les protestants installent leur temple avec le cimetière au 15 rue Bourg-Vieux, maison Lagelouze-Touzaà. Cette situation perdurera jusqu'en 1685, la Révocation de l'Édit de Nantes interdisant désormais totalement l'exercice de leur culte. Ce sera pour les protestants le temps de l'église du Désert.

 

4 Calendrier de l’évolution religieuse de Jeanne d'Albret

 

 

1560 Année décisive, une terrible déception affective quand elle apprend qu'Antoine a un enfant avec une autre femme. Influence de Théodore de ze qu'elle a rencontré à Nérac. A Noël, elle rompt officiellement avec le catholicisme lors d’une communion sous les deux espèces réalisée à Pau

1561 Séparation de fait définitive avec Antoine de Bourbon. Jeanne autorise le culte du calvinisme en Béarn. Quelque espoir avec la tenue en septembre et octobre, d’une conférence voulue par la régente Catherine de Médicis pour tenter de sauver ce qui peut l’être avec l’entregent du tolérant Michel de l’Hôpital bien que le pape Pie IV tente d’empêcher ces discussions. On se sépare sur un constat d’échec.

Le colloque de Poissy

Une lueur d'espoir, des réflexions qui rassemblent des prélats catholiques, des ministres du culte calviniste, des théologiens (une centaine de participants). Un beau thème qui se concentre sur la nature de l’Eucharistie : « Comment dans la célébration de la messe, le Christ manifeste-t-il sa présence ? »

1562 En fait, les partis veulent en découdre. En mars, le massacre de Wassy inaugure la première guerre de religion. Il y en aura 9 successivement. La mort d’Antoine de Bourbon bouleverse Jeanne qui s’engage de plus en plus dans la protestation.

1563 Le catéchisme de Calvin est traduit en Béarnais. Pierre Viret promet de venir à Orthez.

1564 Déclaration solennelle sur la liberté de conscience. Cette même année, Jeanne crée le Collège Royal dans les locaux du couvent des Jacobins à Orthez. Le 24 janvier, début du tour de France de la réconciliation. Henri de Navarre suit le cortège royal de 15000 personnes qui part pour 18 mois à travers le pays.

1565 Le tour de France de la réconciliation passe à Nérac fin juillet. Jeanne le rejoint à Blois en novembre.

1566 Le Collège Royal d’Orthez devient Académie Royale. Les première ordonnances ecclésiastiques sont publiées en Béarn : elle montrent un puritanisme et un rigorisme des mœurs très marqué. L’église Saint-Pierre d’Orthez, dépouillé de ses ornements, devient temple protestant. En février, Henri a quitté le cortège royal pour retrouver sa mère à Pau, définitivement.

1568 Traduction en Béarnais du psautier de Marot par Arnaud de Salette, imprimé à Orthez, au Bourg-Vieux, par Louis Rabier. Une lignée d’imprimeurs travaillera à Orthez jusqu’en 1685, révocation de l’Édit de Nantes. Jeanne, chef d’un état indépendant, qui a une langue, un territoire et bientôt une religion, devient la tête de proue du mouvement protestant. Henri de Navarre est un de ses chefs de guerre alors qu’il n’a que 15 ans.

1569 Profitant de l’absence de Jeanne alors à La Rochelle, les troupes catholiques françaises de Terride occupent le Béarn. La réaction de la reine de Navarre est terrible. Montgomery reconquiert en quelques semaines le Béarn. Le 24 août, c’est la Saint-Barthélemy à Orthez : une horreur ! 3000 assassinés, des prêtres jetés du Pont-Vieux, un gave rouge de sang, les soldats français passés au fil de l’épée malgré les engagements pris dans le château incendié.

1570/1571 Les secondes ordonnances ecclésiastiques interdisent la pratique de la religion catholique en Béarn. Le clergé est expulsé. Le calvinisme est officiellement religion d’État en Béarn.

1572 Préparation de la Paix de Saint-Germain et du mariage d’Henri de Navarre avec Margot de Valois. Jeanne meurt le 9 juin 1572. Des rumeurs sur un empoisonnement circuleront longtemps propagées encore par Diderot au XVIII° siècles.

 

 

 

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