Sommaire / Page précédente

 

Le Liber rubeus, témoignage d’un milieu cultivé, mais marqué par son temps

 

Si l’on passe de la présentation au contenu de l’ouvrage, la première observation que l’on peut faire est celle de la qualité de la langue utilisée, le latin. On sait en effet que la langue latine classique – celle que l’on apprend dans les lycées –, s’était fortement dégradée au cours de l’Antiquité tardive – les ive et le ve siècle –, amorçant une évolution qui, accélérée après les Invasions par la contamination des langues parlées par les barbares, allait progressivement la faire glisser vers les langues dites romanes – l’italien, le français, l’espagnol, le portugais, le roumain, le languedocien, le gascon…

 

     Durant le Haut Moyen Âge, puis le Moyen Âge, si le peuple avait adopté les nouvelles langues, les clercs avaient continué à user du latin, pour la liturgie et pour tous les documents écrits, dont la médiocrité et les innombrables imperfections témoignent de la décadence de la culture dans des pays à forte pénétration barbare, comme toute la partie nord de la Gaule. Aux xie et xiie siècles, les documents présentent d’importantes différences de qualité. Paradoxalement, de nombreux textes monastiques sont rédigés dans un latin étrangement incorrect : c’est le cas dans notre région pour le cartulaire de Sorde-l’Abbaye[1], mais aussi pour les documents émanant du cartulaire de Saint-Sever qu’a transcrits dom Du Buisson[2].
     Au regard de cette relative médiocrité, le texte du Liber rubeus apparaît d’une remarquable qualité. Si quelques pièces conservent de légères négligences qui proviennent manifestement des documents originaux, la plupart sont écrites dans un latin très proche des modèles classiques. Ce classicisme a une explication : plusieurs actes mentionnent un personnage du nom de Jean, auquel est attribué le titre de magister scolarum, que l’on pourrait traduire par " écolâtre ", c’est-à-dire responsable d’une école, ici de l’école cathédrale. C’est l’existence de cette école qui, dès cette époque, a développé à Dax comme dans d’autres villes épiscopales un milieu de belle qualité culturelle.

     Cette qualité apparaît aussi dans le vocabulaire utilisé, dont une grande partie remonte à l’Antiquité, mais qui s’est enrichi de nombreux éléments nécessités par l’usage chrétien. On y observe en outre l’introduction de quelques termes gascons, mais pour la plupart " latinisés ". Ainsi, pour désigner l’avoine (en latin classique avena), on va trouver " civade ", qui est le nom gascon moderne (" cibade "), parfois sous la forme latinisée (civada). De même, l’alose de nos rivières est nommée colacum (en gascon moderne " coulac "). Il faudrait citer encore la " pomade " pour désigner le cidre, mais aussi " casal " ou " casau ", " garbadge ", " meitader ", " sazon " et bien d’autres termes analogues.

 
Dax – Cathédrale Sainte-Marie. Pied d’autel roman (fin du xie siècle). Cliché Vincent Minard. © Musée de Borda.

La légende avait fait de l’empereur Alexandre le Grand, qui a régné sur une grande partie de l’Orient de 336 à 323 avant Jésus-Christ, un philosophe avide de percer les secrets du monde, du fond des mers au sommet des cieux.

Le Moyen Âge chrétien a vu en son voyage aux cieux un symbole de l’Ascension du Christ et des efforts de l’âme pour s’élever vers Dieu.

Un pied d’autel de la cathédrale romane de Dax le représente ainsi dans une nacelle de rinceaux emportée dans les hauteurs par des oiseaux.

   

 

[1]Cartulaire de l’abbaye de Saint Jean de Sorde, publié sur le manuscrit original par Paul Raymond, Paris-Pau, 1873.

[2] Du Buisson (Petro-Daniele), Historiæ monasterii Sancti Severi libri X, Aire-sur-l’Adour, 1876.

 

 

Sommaire / Page suivante